Fiducia supplicans
Les suites de « Fiducia supplicans » ou Fluctuat nec mergitur
En ce moment, la barque de saint Pierre tangue sérieusement. Et savez-vous qui est à l’origine de cette tempête ? Ni Satan, ni Beelzeboul mais notre bon pape François lui-même !
Il a permis la publication d’un texte émanant du très sérieux dicastère pour la doctrine de la Foi, gardien du dogme, appelé Fiducia supplicans qui permet la bénédiction des couples même « en situation irrégulière ». Les réactions passionnées n’ont pas manqué. Trahison de la foi pour les uns ( « le pape reconnaît les couples homosexuels ! Il tolère le divorce ! »), indispensable pas en avant pour les autres ( « Enfin, on reconnaît la validité de l’homosexualité comme orientation sexuelle ordinaire »).
Comme toujours, ces réactions proviennent d’une lecture très incomplète du texte. Que dit-il ? Que le clergé peut bénir les couples en « situation irrégulière » - de même sexe, divorcés remariés par exemple – mais en apportant des restrictions claires : en aucun cas cette bénédiction ne peut intervenir dans un contexte rappelant, même de loin, le mariage dont la définition selon l’Église est rappelée. De plus, il s’agit de bénir les personnes, leur amour, non leur manière de faire couple. Le « mariage homosexuel » n’est donc pas reconnu comme union légitime, pas plus que ne l’est l’homosexualité comme orientation sexuelle légitime. Il s’agit d’accueillir les personnes, telles qu’elles sont, de leur redire que Dieu les aime comme elles sont même si on leur recommande de faire un chemin de foi, de chercher si leur manière de vivre est celle que le Créateur souhaite pour les humains.
Dans de nombreux pays, les évêques ont protesté et assuré qu’ils n’autoriseraient pas les prêtres à bénir les couples « irréguliers », en particulier les couples de même sexe. L’Afrique est un continent où cette pratique est vigoureusement contestée ( entre autres accusée d’être importée de l’Occident honni ) voire criminalisée. L’épiscopat africain a décidé collectivement qu’il n’appliquerait pas les recommandations de ce texte.
En France même, l’épiscopat est prudent, relèvent les commentateurs. Après une rencontre entre plusieurs évêques, un communiqué a préconisé que l’on bénisse les personnes sans évoquer le «couple». Cependant, certains évêques (celui de Sens par exemple) appliqueront le texte dans son esprit et sa lettre.
Quant au Vatican, devant le risque d’une rupture semblable à celle qui, sur ce même sujet, a fracturé la communauté anglicane, il a ajouté un «mode d’emploi» : si la situation culturelle du pays ne se prête pas à ce genre de bénédiction, si elle risque de faire scandale, l’application du texte peut être reportée ( aux calendes grecques penseront certains ? Non, pensé-je, pour une institution bimillénaire, les calendes grecques ça n’existe pas... ).
Encore une fois, notre pape montre son souci pastoral : accueillir les personnes et non leur mode de vie qui peut être déficient ; après tout, le sexe n’est qu’un aspect de notre vie. Notre mode de vie peut s’éloigner de celui que propose l’évangile sur bien d’autres points : le rapport à l’argent, à l’étranger, à l’enfant, à la nature, la Création... pourtant, cela n’empêche pas notre curé de nous bénir chaque dimanche ! À titre personnel, je suis étonné de la fixation des chrétiens sur le sexe. De grands croyants, de grands amoureux de Jésus ont été « irréguliers ».
Paul Claudel, grand écrivain catholique, père d’une fille illégitime.
Dorothy Day, militante sociale catholique, qui avait avorté dans sa jeunesse.
Max Jacob, poète mystique catholique ( juif converti ) mais homosexuel.
Et nous connaissons tous des couples dont l’un est divorcé remarié mais fidèles au Christ, malgré l’échec de la première union.
C’est tout ce peuple de « pécheurs pardonnés » ( dont nous faisons partie, nous aussi) que Jésus entraîne à sa suite. Rappelons-nous la parabole du pharisien et du publicain !
Jacques Penet
Livret 1 - Hiver 2024
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Interview de Mgr Bataille dans le Progrès du 21 janvier 2024
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COMMUNIQUE DU CONSEIL PERMANENT DES EVÊQUES DE FRANCE
10 janvier 2024